Peut-être vous souvenez vous de la célèbre sortie d’un PDG d’une grande chaîne de télévision française sur le « temps de cerveau disponible ». Le propos, proprement cynique, était pourtant d’un grande lucidité : si l’attention est un marché (donc une opportunité de dépenser) et que le temps est sa monnaie, alors en effet quoi de plus normal que d’essayer d’en capter le bénéfice ? Or, les grands concurrents des divertissements sur ce marché sont précisément les apprentissages.
Se divertir : sortir de soi-même
Le divertissement au sens étymologique est une activité qui nous rend étranger à nous-même, dans laquelle on s’oublie. Cette absence, qui ne coûte aucun effort, trouve son plein accomplissement dans les supports technologiques actuels : l’accès à internet, aux réseaux sociaux, aux films, aux émissions presque sans restriction peut nous entraîner loin de nous à longueur de journée. Si internet est un formidable outil de partage des connaissances, c’est aussi un lieu où l’on peut dépenser du temps sans fournir une attention de qualité : on peut surfer sur internet pendant des heures sans rien y apprendre, y compris sur des sujets qui nous intéressent.
Or, si les adultes ont beaucoup de mal à discipliner cette tendance à l’égarement, que vont penser leurs enfants qui sont nés et qui grandissent avec l’image d’adultes plongés dans leurs smartphones dès qu’un moment de liberté se présente ?
Je n’ai nullement l’intention de faire ici un procès des appareils numériques mais il est une faille humaine qu’ils approfondissent de manière exponentielle : la volatilité de notre attention.
L’attention n’est pas un phénomène stable
L’humain est un être qui prend des informations, les traite pour agir de manière immédiate dans une situation donnée ou en retirer une connaissance sur le monde. Pourtant, la qualité de notre attention est variable, et nous place en situation de déséquilibre à chaque instant : qui ne s’est pas demandé, une fois cent mètres parcourus dans la rue, s’il a bien fermé la porte parce qu’il pensait à sa future journée de travail en tournant la clé dans la serrure ? « Rester attentif, nous dit Jean-Philippe Lachaux , spécialiste de l’attention et directeur de recherches en neurosciences cognitives, c’est un peu comme traverser une poutre d’un bout à l’autre, sans tomber. » Ce qui signifie que nous avons le pouvoir de focaliser notre attention, à condition de le vouloir et sur un temps précis. De cette équation naîtra une qualité d’attention qui permettra la réalisation de la tâche- ou de l’apprentissage.
Attention, frustration et apprentissage
Or, dans un monde où l’information circule vite, les comportements ne tardent à s’aligner sur cette nouvelle norme : l’impatience s’enflamme dans les files d’attente, les internautes perdent leur sang froid devant une page qui « rame » au bout de 16 secondes, les enfants se roulent par terre si le parent dit « plus tard ». Or, le phénomène d’apprentissage est à l’opposé de cette tendance:il nécessite du temps, une attention soutenue et une haute tolérance à la frustration (on ne sait pas tout, tout de suite). Etre attentif, ce serait muscler notre résistance à la distraction dans un but bien précis.
Attention et intérêt pour la tâche
Nous avons tous remarqué que notre attention est extrême lorsque le sujet ou la tâche nous intéresse. Or, la grande difficulté à l’école (et dans la vie aussi!), c’est que toutes les matières ne peuvent pas passionner votre enfant. La seule solution qui me semble viable est de tirer notre satisfaction de l’accomplissement de la tâche. Autrement dit, en trouvant un intérêt même indirect, dans le travail demandé. Cela peut-être le soin apporté à la présentation, le lien lointain que l’on peut faire avec quelque chose qui lui plaît spontanément, le plaisir du travail bien fait, une bonne note à l’évaluation… Bref, nous pouvons trouver un intérêt à tout travail, ne serait-ce en dernier ressort le fait qu’il soit accompli ! L’enfant doit pouvoir régulièrement ressentir cette satisfaction du travail terminé qui lui permettra, plus tard, d’être capable de gérer avec plus de facilité les matières qu’il aimera moins ou plus difficiles pour lui.
L’attention de notre enfant est comme un capital qu’il nous appartient de faire fructifier. En lui apprenant à résister au divertissement, en lui faisant prendre conscience que le temps est un facteur essentiel pour son apprentissage, et en lui permettant de trouver une satisfaction dans chaque tâche, nous lui donnerons des clés pour maîtriser ce à quoi il veut accorder du temps et de l’intérêt.
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